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20/07/2010

« Mais périssons en résistant »

« L'homme est périssable. Il se peut ; mais périssons en résistant, et si le néant nous est réservé, ne faisons pas que ce soit une justice ! »

Depuis qu’Albert Camus l’avait citée en 1944 dans ses Lettres à un ami allemand, il semble être devenu difficile de considérer cette phrase très célèbre d’Etienne Pivert de Senancour hors du contexte de la Résistance ou de l’existentialisme.

Cependant, l’architecte japonais Kunio Maekawa (1905 – 1986), qui en a pris connaissance à travers les écrits de Kazuo Watanabe, insistait plutôt sur l’existence de l’humanité mise en péril par le « progrès » au sens benjaminien du terme, chaque fois qu’il la citait.

En tout état de cause, il n’est pas inintéressant de savoir ce qu’affirmait le premier disciple japonais de Le Corbusier dans son texte très important sur « la civilisation et l’architecture » publié en novembre 1964 :

«Nous nous demandons sans cesse pourquoi l’architecture moderne tend à devenir inhumaine. Nous pensons que c’est principalement parce qu’elle ne repose plus sur les besoins humains ni sur la spontanéité humaine, mais sur la maximisation du profit pour le capital privé ou sur les contraintes budgétaires définies par les calculs machinalement effectués dans le système bureaucratique de l’Etat moderne. Et secondairement parce que les sciences, les techniques et les industries modernes sous-jacentes à l’architecture moderne portent en leur sein les facteurs qui détourent celle-ci de la réalité humaine. […] Le progrès nous apporte, d’une part, de plus en plus de ‘liberté’ et, d’autre part, de plus en plus d’ ‘incertitude’. L’homme du XXe siècle qui en est venu à avoir la capacité d’anéantir l’humanité tout entière a ainsi ‘acquis’ une ‘liberté’ sans précédent, une ‘inquiétude’ sans précédent et un ‘progrès’ sans précédent ».

En outre, dans ses propos recueillis par le journaliste Yoshihisa Miyauchi (son futur biographe) au début des années 1980, on peut découvrir les lignes suivantes :

« Si nous cherchons à assurer tout au moins la pérennité de nos réalisations, c’est précisément parce que l’homme est éphémère. Quant à ceux qui ne se croient pas périssables, ils ne peuvent que rendre peu durables l’architecture et l’urbanisme».

C’est par la citation d’Etienne Pivert de Senancour que Yoshihisa Miyauchi termine la biographie de l’architecte parue en 2005.